Cancer.



C'est l'histoire d'une femme a l'esprit remarquable, née au Vietnam dans une famille que l'on pourrait considérer comme bourgeoise, aisée. Une famille qui lors de la prise de pouvoir par les Communistes, a d'abord dû accueillir, héberger les partisans du régime dans leur propriété, subir une intrusion un peu plus invasive chaque jour, avant d'être "enjointe" de céder ses biens et richesses. Une famille qui, refusant de voir un régime "corrompu" dilapider tout ce qu'elle avait acquis à la sueur de son front, a décidé de fuir le pays par avion, puis par bateaux lors de la fermeture des frontières. Un périple de plusieurs mois, dont très peu ont survécu. Les conditions météo, les autorités, les pirates ainsi que les maladies frappant sans se soucier d'une quelconque justice.
L'arrivée en France, terre "promise", la lente et pénible adaptation, le travail incessant à fournir, l'absence de soutien de la plupart des camarades.. Une situation qu'elle n'a pas été la seule à vivre. Heureusement pour elle, malheureusement pour eux tous.

Cette femme, non contente de réussir à s'adapter, ne s'est pas simplement intégrée avec modestie. Ingénieure diplômée des Mines, de Centrale, ayant décroché plusieurs MBA et doctorats en électronique, matériaux,.. , consultante et conseillère au sein de plusieurs entreprises, directrice d'une Ecole d'Ingénieure (privée). On dira ce qu'on voudra, on ne pourra pas lui retirer qu'elle a réussi sa vie. Seul bémol? Son caractère trop fier et trempé. Ce qui lui aura valu de devoir changer plusieurs fois de poste parce qu'elle ne s'entendait pas avec la hiérarchie. Le même caractère indépendant qui lui aura valu de ne s'attacher à personne d'autre qu'aux membres de sa famille et amis.

Cette femme, c'est ma tante. Elle a aujourd'hui 52 ans, et elle est atteinte d'un cancer des ovaires. Stade terminal.
Le diagnostique initial est tombé il y a quelques années, et presque par hasard. Comme c'est souvent le cas avec cette forme de cancer, il est difficile à repérer, car les personnes atteintes ont tendance à l'assimiler à de banals maux de ventre. La maladie était déjà bien avancée, les métastases étant délocalisées et se multipliant régulièrement. Pourtant à ce moment là, il y avait de l'espoir.
C'est pour cette raison qu'elle a suivi différents traitements: chimiothérapie, radiothérapie, thérapie génique.. visant à réduire la taille des tissus cancéreux avant l'opération chirurgicale. Aucun de ces traitements n'est agréable, bien au contraire. Parmi les effets secondaires bien connus, on peut citer la chute de cheveux, les nausées, vomissements, perte de l'appétit, détérioration de l'humeur, ...
Quelques semaines avant la date prévue pour l'intervention, elle apprend que certains foyers n'avaient pas été localisés auparavant, et que, puisqu'ils n'ont été suffisamment traités, il va falloir recommencer continuer.
Et pendant tout ce temps là, elle ne peut rien faire d'autre qu'attendre, et subir en silence. Voyant la réaction de ses proches face à la dégradation de son état, elle finit par ne plus souhaiter qu'on lui rende visite, devenant aigrie quant elle reçoit de la compagnie.
Lorsqu'enfin, et par un hasard heureux, elle se sent un peu mieux, on lui dit qu'elle est prête pour l'opération. Mais cette femme, perfectionniste jusqu'au bout des ongles et qui n'a jamais rien laissé au hasard ou inachevé, décide alors de reporter l'opération, voulant profiter de sa petite amélioration de santé pour terminer ses papiers. Au cas-où dit-elle.
Il y a quelques semaines, alors qu'elle terminait ses affaires, on lui fait repasser des examens afin de préparer au mieux la chirurgie. Elle attend, sentant ses forces décliner à nouveau après le bref regain d'énergie qu'elle avait connu. Hier, le résultat tombe: Le cancer s'est propagé à nouveau, et d'autant plus rapidement qu'auparavant. Il est trop tard. Plus rien à faire. Stupide? La seule chose de stupide selon moi, c'est ce cancer qui la touche.
Seuls les personnes les plus proches sont au courant. Elle refuse que la plupart des membres de la famille le sache (en particulier ceux qui sont aux Etats-Unis), pour ne pas déclencher un élan de panique ou de pitié. Je ne saurais dire. Ma mère est tiraillée entre la volonté de lui accorder ce souhait, et l'envie de l'aider en invitant toute la famille à rester auprès d'elle jusqu'à la fin. Le téléphone sonne presque toutes les heures depuis hier maintenant. Préparatifs, et autres. Ma tante elle, n'aspire qu'à rentrer chez elle. Et même ça, on le lui refuse. "Elle est trop lourde" a-t-on dit à ma mère. Curieuse formulation pour signifier qu'elle mourra tout de suite chez elle. La solution serait alors de l'installer dans un hospice pour les personnes en fin de vie. Bonjour l'ambiance..

Quant à moi, j'assiste à tout ce déferlement d'émotions, d’évènements, avec un étrange détachement. Presque comme elle. J'ai parfaitement conscience de tout ce qui se passe. Et j'ai toujours été proche de ma tante, appréciant ces conseils, cet humour et cette énergie qu'elle avait toujours en elle. Et pourtant, devant ma mère qui semble désemparée, elle qui d'habitude sait toujours quoi faire, je reste impassible alors que ma soeur actuellement en Angleterre semble avoir le moral au plus bas. Est-ce la soudaineté des choses qui m'empêche de réaliser, ou bien quelque chose en moi qui ne va pas? Serais-je aussi calme qu'elle? Aussi calme que je le suis maintenant lorsque la fin viendra?
Je ne saurais le dire..

Et j'attends.. Nous attendons tous..

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